Mesdames, messieurs n’applaudissez pas, patientez un peu
Nous violons cet espace nocturne par nos lectures
Nous vivons avec chaleur la climatisation de la poésie
Nous ornons les dômes de linéarité et d’arabesques
Et cette nuit est une nuit unique dans cet hôtel
Où la verve des vers embrasse les verres levés
Où les yeux voyagent dans d’autres dimensions
La poésie s’embarque dans différents Océans
Entre la plénitude des vagues et la bleutée du ciel
Entre la furie rageuse, la fureur de la terre de sang
Allons, levons nos verres pour la résurrection de la poésie
Sortons de l’obsession de nos lectures, de nos démarches
Donnons à nos rimes le rythme et la force de l’envol
A chacun de nous l’exorcisation des mots et des maux
Qu’en dehors de cette enceinte très enflammée
Notre muse s’amuse à fréquenter les ombres
Elle convoite nos filles dans l’orée de l’absence …
Mesdames notre simple source de jouvence vieillit
Voyez ces files qui s’accrochent aux trottoirs
Plongez dans ces yeux maquillés par l’éternelle attente
Le prince charmant n’est plus de retour comme promis
Leïla piétine sa blanche robe brodée de mariée
Kaïss renie à jamais son propre engagement …
Son reste de corps gît quelque part au fond de la mer
Théâtre – pieuvre des centaines de nos tragédies …
Ne sentez – vous pas l’alchimie des parfums exotiques
De nos femmes qui fuient la suffocation des quatre murs
Interceptez ces regards fuyants au – delà des montagnes
Au – delà de ces monts arides, des tombes sans stèles…
Vous pouvez lire dans ces yeux le parchemin de l’évasion
Nos filles ne sont plus nos filles, elles deviennent autres
Messieurs, vous voyez, je lève une fois de plus l’ancre
Ma barque est aussi légère qu’une planche d’épave
Je suis là parmi vous et pourtant je suis ailleurs
L’influx de mes vers versatiles oscille constamment
Il monte en une ascension vertigineuse vers le ciel opaque
Que demeurent nos poètes, que s’élèvent nos voix
Cette nuit est une nuit unique dans cet hôtel
La brise s’évade pour célébrer la climatisation de la poésie
Que nos rêves s’enlacent, que nos rimes s’épousent
Que le fleuve remonte à la surface, qu’il se promène
Qu’il renoue avec les arbres, et l’ondulation du vent
L’Oum – Er – Rbia désire reprendre sa narration
A force d’oubli, il oublie le nombre de ses nuits solitaires
Shéhérazade dort quelque part dans une villa ensoleillée
Quelqu’un l’a conviée pour des noces de sang
La cité a perdu sa virginité, on ne cesse de la maquiller
Pleure Ô fleuve obscur sur tes rivages longtemps désolés !
Chante pour nous ta dernière complainte de tes cavaliers
Ou une de tes sérénades les plus riches, les plus aimées
La nuit n’est plus ta nuit, efface pour l’instant tes pleurs …
Charrie de ton ventre avorté la fluidité de ton encre
Fais-nous vivre, rêver, savourer l’harmonie de la poésie
Tes habitants sont des poètes errants, des troubadours
Toute une anthologie est encore ancrée dans ton amnésie
Cherche la petite faille de ton lourd portail verrouillé
Ils sombrent tous en dehors de ces murs illuminés
Vivent de mots fermés, quadrillés, cadrés de l’oisiveté
Ils sont devenus avec le temps de vrais cruciverbistes
Les uns demeurent dans l’horizontalité des maux du siècle
D’autres se hissent dans la verticalité du rêve hors portée
D’autres encore prennent l’élan pour l’invisible axe oblique
Esquissent en alpinistes déçus l’exploration intemporelle
Silence maudit poète, écrase ta rébellion contagieuse
Tu divagues à l’embouchure du fleuve et de tes jours …
Je rêve de franchir le cap de mon ultime incarcération
Je rêve d’être ailleurs en-dehors de ces voix modulées
Je porte en moi et vis depuis des siècles un double exil
Il est visible sur mon visage tuméfié et sillonne mes rides
Et chaque cheveu gris en porte le vrai tatouage indélébile
On vit sa canicule intérieure dans la canicule de l’été
Dans cette enceinte pour des heures elle s’est enfuie
Que vive la poésie, que les poètes peignent d’autres toiles
Quelque part la lune joue à la marelle avec les étoiles
Mesdames, messieurs, je change une fois de plume
Je m’en vais au gré de mes pérégrinations ininterrompues
Je clame haut que ma cité est une sépulture à ciel ouvert
Chaque jour en ensevelit autant de souvenirs, de livres
On décapite le reflet émouvant de mille et une images
On détruit nos rares arbres pour du béton armé
On aiguise le reste de nos visions aux grilles rouillées
Nous vivons à la cadence des chimères de nos mots
Souris fleuve, on a besoin de sourires et de rires
Enfourche ton étalon délaissé, chevauche partout
Dévale les pentes, tire ta mitraille vers l’iris du ciel
Regarde, purifie ton cœur, élève le reste de ton âme
Dans l’hôtel on vit les dernières séquences de la poésie...
Applaudissez mesdames, messieurs le voyage prend fin
Ma mémoire rebelle va changer de nouveau de trottoir
Nous avons volé d’une soirée quelques heures fugitives
Dans cet hôtel on a vécu la climatisation de la poésie
En dehors de cet espace la vie continue son parcours
Et des milliers de poètes inconnus foulent l’absence
Levons nos verres, croisons nos vers embaumés
Cité, attends, je sors de cette atmosphère poétisée
Je vais rejoindre la foule anonyme de tes murs dépoétisés
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum Vous ne pouvez pas joindre des fichiers Vous ne pouvez pas télécharger des fichiers